Sans contrefaçon, je suis...une afghane.

Une afghane, lambda. Le mot lambda prenant tout son sens pour une afghane dans son pays. Pays où la condition de la femme est réduite à néant.
En Afghanistan, les femmes sont considérées et traitées comme des citoyennes de seconde zone depuis que les talibans ont investi et la terre, et la culture, et le régime politique. Telles des fantômes bleus, elles errent dans les rues en essayant de se fondre dans la masse. Une masse de femmes toutes similaires de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur puisqu'elles vivent emprisonnées dans leurs robes bleues. Dans ce contexte, il n'y a plus de personnalité, plus d'individualité, plus de féminité, plus d'être humain. On devine juste des âmes qui circulent sous l'autorité, d'un mari, d'un père, d'un frère et d'une société dominée par le Mâle incarné. 
Tout le monde connait le quotidien de ces femmes, justes bonnes à procréer, à répondre aux désirs de leurs maîtres et confinées aux tâches domestiques. Elles n'ont pas droit à l'école. Elles n'ont pas droit au travail exception faite pour quelques femmes infirmières ou médecins. Et à ce propos, elles n'ont pas droit aux soins, si ceux-ci sont fournis par un médecin homme. Elles n'ont pas le droit de disposer de leurs corps, la burqa étant soit imposée, soit recommandée selon les zones; les petits amis, même pas en rêve, sous peine de lapidation. Pas le droit à la féminité, au maquillage, au vernis, aux vêtements colorés, bien trop aguicheurs. Les chaussures à talons sont aussi dans le collimateur des talibans, parce qu'une afghane, ça doit être discrète, se faire oublier, être transparente, invisible, inodore, insipide, des fantômes en somme! Pas le droit de sortir sans être accompagnée d'un parent homme. Pas le droit de sortir sans burqa même si théoriquement avec le nouveau pouvoir, dans certains quartiers, elles peuvent se découvrir le visage. Mais c'est à leur risque et péril puisque le vrai pouvoir, il est entre les armes des talibans. 
Cette fameuse burqa bien plus qu'une recommandation religieuse ou traditionnelle est un moyen de tenir les femmes en laisse puisqu'il symbolise toutes ces interdictions en demeurant un bafouement de leurs droits. Pas le droit  non plus de paraître en photo, en radio, à la télé, à sa fenêtre, sur son balcon, lors de rassemblement...La liste est longue et plus qu'aberrante. 

A gauche, Mehran, une petite fille travestie en garçon, et ses deux soeurs
Et comme si ces contraintes ne suffisaient pas de nombreuses familles font subir une drôle de coutume à leurs fifilles. En effet, vu l'ampleur des interdictions, et sous la pression sociale, certains parents n'ont rien trouver de mieux à faire que de déguiser leurs filles en jeunes garçons afin qu'elles puissent mettre un pied ferme sur la société et subvenir aux besoins de la famille. Et ce n'est apparemment pas quelque chose d'isolé en Afghanistan. C'est une coutume, certes tabou, mais bien ancrée dans la culture afghane depuis des décennnies et indépendamment des ethnies, villes et classes sociales. Cela concerne généralement les familles n'ayant que des filles. C'est le Herald Tribune qui va briser le tabou  pour la premiere fois en fin 2010 en y consacrant un long article et en allant à la rencontre d'une petite fille travestie par sa maman. 'Elle' est désormais 'i'. 'Il' a 6ans. Il s'appelle Mehran. Il est habillé à la manière de tous les petits garçon afghans, pantalon et tunique blanche sur l'image ci-dessus. Il veille sur ses soeurs, des jumelles, qui peuvent enfin s'octroyer, sous l'escorte de leur nouveau frère, le droit à des sorties tranquilles...

Leur mère, instruite et parlementaire à Kaboul, a dû céder à cette tradition ayant eu le 'déshonneur' de n'enfanter que des femmes. Un tradition à laquelle elle avait elle-même dû se soumettre étant petite et qu'elle transmet désormais, tel un héritage à sa benjamine. Benjamine qui, à la question de savoir si elle voulait vivre comme un garçon, "comme papa", c'est à dire " faire des choses amusantes: du vélo, du foot, du cricket" a répondu: "OUI"! Avec un enthousiasme non dissimulé.
Qui ne le voudrait pas après tout dans une monde croulant sous les interdictions.

Pour Mehran, c'est mardi-gras tous les jours. Et c'est bien là le problème. Elle y prend goût à sa liberté. Elle y prend goût à l'insouciance. Soudain, elle est prise en considération, elle existe, elle est bien là, individu parmi les individus et non plus ombre parmi les ombres. Elle est une meneuse sous son déguisement de garçon, qui marche tête bien droite et non plus une suiveuse, qui marche sans tête. Mais pour combien de temps? Une fille, ça grandit. Les formes vont apparaître, la poitrine naître, le visage s'épanouir. A ce moment là, 'il' sera plus que jamais 'elle'; il sera elle à jamais. Et, Elle, devra se soumettre à la tenue généralement bleue des femmes, la burqa. D'où un traumatisme inévitable de ces enfants, prisonniers d'une société elle même prisonnière de la mentalité d'un groupe taliban, puisqu'ils passent de la liberté à la prison. Mehran et les autres filles travesties doivent vivre et survivre à ce choc. N'est-ce pas doublement cruel de ne jamais pouvoir être, grandir et vivre son identité sainement et librement?

Je pense...mais qui suis je? Une petite fille comme les
autres qui a droit au savoir.

Parallèlement à ce phénomène, nombreuses sont les femmes qui, malgré la menace planante et les attaques mortelles des talibans, osent faire face et vont jusqu'à braver l'autorité en encourageant les parents à incrire leurs filles dans les écoles; ou en créant des écoles clandestines pour elles. Aujourd'hui, seulement 30% des filles en âge d'aller à l'école sont scolarisées en Afghanistan. Ce qui est déjà considérable dans un pays où l'interdiction d'accés au savoir a été mise en vigueur par les talibans dés 1991 et  a perduré jusqu'en 2001, date de la chute du régime. A la suite de quoi, les filles avec l’avènement de l'administration intérimaire de l'état islamique d'Afghanistan d'Hamid Karzai et son élection comme président de la république (bien que très ambiguë sur la question de la femme) ont officiellement le droit à l'école et au travail. Ceci sans compter, le pouvoir armé des talibans. 
Selon le ministère de l'éducation d'Afghanistan, pour la seule année 2008, environ 670 attentats visant les écoles ont été répertoriées incluant des incendies volontaires et l'assassinat d'enseignants et d'élèves. Entre janvier 2006 et décembre 2008, 1153 attentats divers, selon la banque mondiale d'Asie du Sud (World bank South Asia) ont été signalés et dénoncés : explosions de grenades, menaces verbales ou écrites visant les enseignants et professeurs, assassinats d'élèves et de personnels sclolaires. Les écoles prises pour cibles dans les séries d'attentats ont fait 230 morts entre 2006 et 2007.  Et cela concerne plusieurs régions d'Afghanistan, où l'insécurité générale en plus de ces attentats nuisent à la scolarité des filles et à l'éducation en général. 
Le site flammesdumonde.com  relate une attaque en novembre 2008 où deux hommes auraient jeté de l'acide au visage de 15 enseignantes et étudiantes alors sur le chemin de l'école. Ce qui ne les dissuada pas d'y retourner. Le visage défiguré à vie, comme une marque de guerre soulignant leur combat, elles clament inébranlables et intrépides qu'elles ne baisseront jamais les bras. Susan Ibrahim, l'une des étudiantes victimes déclare, toujours dans Flammesdu monde.com « Je suis en  terminale. Je continuerai mes études. Ce type d’action ne m’empêchera pas d’être diplômée ». Aqila, une camarade : « Je veux être médecin. Si nous n’allons plus à l’école, alors je devrai rester à la maison et ne rien faire ». Les enseignantes affichent le même discours: « Nous ne faisons qu’instruire notre jeunesse. Ils ne peuvent pas nous arrêter. Même s’ils me brulent, je n’arrêterai pas. Je viendrai à l’école et j’enseignerai ».

Sois bête et couvre toi!
 Même si les filles sont visées en premier, il arrive aussi que des écoles mixtes soient prises pour cible par les talibans qui ne veulent décidément pas d'un Afghanistan instruit, et encore moins de femmes cultivées.
Beaucoup de femmes courageuses se battent donc toujours pour leur droit d'être femme, pour le droit à une vie meilleure, le droit à l'instruction, au travail, à la liberté. Certaines familles ont dû trouver des alternatives comme celui de déguiser leurs filles en garçons, pendant que d'autres risquent leurs vies en envoyant leurs filles à l'école. Dans tous les cas, la place de la femme dans la société afghane et ses droits bafoués restent un problème majeur que de nombreuses associations sur place ou dans le monde peinent à résoudre, car à chaque lueur d'espoir, l'ombre des talibans, elle, se déploie. Les femmes afghanes arriveront-elles par leur persévérance, leur militantisme et leur courage à renverser l'autorité talibane?
Le célèbre photographe Reza a su immortaliser la beauté des filles et femmes afghanes. Pourquoi vouloir cacher et opprimer de telles merveilles?
Affaire à suivre...

Commentaires

  1. Informations intéressantes...cependant, je trouve qu'il y a des amalgames et des choses qui poussent à la haine, notamment envers l'Islam. Je suis moi-même converti à l'Islam et je peux vous dire qu'une femme n'a pas besoin de talons, de maquillage ou de je ne sais quoi pour une être une princesse, une reine pour elle même et son mari. L'occident a tellement à apprendre de l'orient. Valeurs perdues à l'occident, valeurs mal inculquées à l'orient. Je ne suis définitivement pas fait pour ce monde, ma place est, je l'espère, au Paradis.
    H. Lyon, 16 ans

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  2. Je te remercie pour ton commentaire et ton intérêt pour le sujet. Je suis moi-même musulmane. Et je n'encouragerai jamais personne à la haine de ma religion ou d'une quelconque religion. Là, il ne s'agit même pas de religion mais de tradition. La burqa tient plus de la culture afghane que de l'islam, c'est une nouvelle version du tchadri, tenue traditionnelle afghane que l'on retrouve aussi en Inde et au Paskistan. La burqa telle qu'elle se porte aujourd'hui a été imposée par les intégristes. Elle n'est pas à confondre avec le niqab ou le hijab. Je pense que les gens auront assez de sens critique pour faire la différence. Je suis pour la pudeur mais pas pour que l'on impose un mode de conduite aux individus: homme ou femme. La religion nous laisse un libre arbitre et chacun doit pouvoir vivre sa foi sans oppression ni crainte. Les femmes doivent pouvoir choisir de se voiler ou non, et la manière dont elles souhaitent se voiler ( partiellement -tête et épaule- ou intégralement). Je suis de même totalement dépassée par la nudité qui semble être à la mode dans les sociétés actuelles d'ici ou d'ailleurs mais là encore il s'agit de liberté. Dans cet article, je fustige plus le fait que les talibans interdisent l'accès à l'école et limitent les droits des femmes dans leurs vies de tous les jours. Je ne pointe pas du doigt l'islam mais l'ignorance et l'obscurantisme.

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